La
Cour de Justice de l'Union Européenne désavoue Kokopelli et son
avocat général
(source: newsletter de
l'association Kokopelli)
La
Cour de Justice, par sa décision rendue
aujourd'hui dans l'affaire Kokopelli c. Baumaux, vient de donner un
satisfecit
intégral à la législation européenne sur le commerce des
semences.
Pourtant,
le 19 janvier dernier, son Avocat Général nous donnait entièrement
raison,
en estimant que l'enregistrement obligatoire de toutes les semences
au catalogue officiel était disproportionné et violait les
principes de libre exercice de l'activité économique, de
non-discrimination et de libre circulation des marchandises. (V. ses
conclusions)
Ce changement de cap
absolu ne manque pas de nous surprendre et de nous
interroger.
La Cour, aux termes d'une
analyse étonnement superficielle de l'affaire, et d'une décision
qui ressemble plus à un communiqué de presse qu'à un jugement de
droit, justifie l'interdiction du commerce des semences de variétés
anciennes par l'objectif, jugé supérieur, d'une "productivité
agricole accrue" !
L'expression, utilisée 15 fois
dans la décision de la Cour, consacre la toute puissance
du paradigme productiviste. Ce même paradigme, qui avait
présidé à la rédaction de la législation dans les années
soixante, a donc encore toute sa place en 2012. La biodiversité peut
donc être valablement sacrifiée sur l'autel de la productivité.
Cela
fait 50 ans que cela dure et le fait que ce raisonnement nous ait
déjà amenés a perdre plus de 75% de la biodiversité agricole
européenne n'y change donc rien. (V. les
estimations de la FAO)
Si
la Cour mentionne les dérogations supposément introduites par
la Directive
2009/145 pour
les "variétés de conservation", son analyse s'arrête à
la lecture des grands titres. Comment les juges n'ont-ils pas voulu
voir que les conditions d'inscription des variétés de conservation,
dans la réalité, étaient restées pratiquement identiques à
celles du catalogue officiel normal [1]? Le critère d'homogénéité,
par exemple, particulièrement problématique pour les variétés
anciennes, ne connaît aucune modération.
La Cour n'a-t-elle pas lu les
témoignages de nos collègues européens, déjà confrontés à des
inscriptions impossibles de leurs semences sur cette liste ?
Cette directive est un
véritable leurre, que Kokopelli et tant d'autres organisations
européennes ont déjà dénoncé, et ne vise pas à permettre la
commercialisation des variétés anciennes ni même à conserver la
biodiversité semencière.
De plus, cette biodiversité,
qui a nourri les populations européennes pendant les siècles
passés, est l'objet de la plus grande suspicion. La Cour va ainsi
jusqu'a écrire, par deux fois, que la législation permet d'éviter
"la mise en terre de semences potentiellement
nuisibles" !
Cette remarque est totalement
erronée puisque, comme l'avait justement relevé l'Avocat Général,
l'inscription au Catalogue ne vise pas à protéger les consommateurs
contre un quelconque risque sanitaire ou environnemental, auquel la
législation ne fait même pas référence !
Cette remarque, surtout, est
choquante, quand on pense que les semences du Catalogue, enrobées
des pesticides Cruiser, Gaucho et autres Régent, ou accompagnées de
leur kit de chimie mortelle, empoisonnent la biosphère et les
populations depuis plus de cinquante ans !
Le
lobby semencier (European Seed Association), qui a pris le soin,
pendant le cours de la procédure, de faire connaitre à la Cour son
désaccord avec l'avis de l'Avocat Général, se réjouit, dans tous
les cas, de cette totale convergence de vues avec la Cour. (V. son
communiqué et sa
lettre adressée à la Cour.)
Nos adversaires directs dans
cette procédure, c'est-à-dire la société Graines Baumaux, mais
aussi la République Française, le Royaume d'Espagne, la Commission
Européenne et le Conseil de l'UE, doivent également s'en frotter
les mains.
Avec cette décision, les
masques tombent : la Cour de l'Union Européenne est, elle aussi, au
service de l'agriculture chimique mortifère et de son idéologie
corruptrice.
Et Kokopelli, au contraire de
tout ce qui a pu se lire ces derniers mois, n'a aucun intérêt
convergent avec Monsanto et autres semenciers-chimistes. Ces craintes
exprimées par certains n'étaient qu'élucubrations fantaisistes,
voire malveillantes, à l'égard de l'association.
Mais tout cela se comprend par
l'examen du contexte dans lequel prend place cette décision :
en Europe, une réforme générale de la législation sur le
commerce des semences est en cours. La procédure est placée
sous le haut parrainage de l'industrie semencière. Les associations
de sauvegarde de la biodiversité, petits producteurs, paysans et
jardiniers passionnés, qui, à travers toute l'Europe, conservent
clandestinement plus de variétés oubliées que tout ce que le
catalogue des variétés appropriées n'en pourra jamais contenir,
n'ont pas été invitées à la table des négociations…
Verra-t-on, dans ce cadre, le
législateur européen redéfinir ses priorités ? Les semenciers
veilleront à ce que cela ne soit pas le cas.
La France, dans ce cadre, joue
un rôle particulier. Le Ministère de l'Agriculture a dépêché
l'une des collaboratrices du GNIS [2], Mme
Isabelle Clément-Nissou, auprès de la Commission Européenne (DG
SANCO), afin de rédiger le projet de loi ! Mais les
conflits d'intérêt, inadmissibles, ne semblent choquer personne au
niveau des institutions européennes…
Ainsi, l'étau se resserre et
les perspectives pour la biodiversité n'ont jamais été aussi
sombres.
Et l'Association Kokopelli, qui
depuis 20 ans veille avec passion à la préservation du patrimoine
semencier européen, bien commun de tous, sans la moindre subvention
publique, pourrait donc bien disparaître demain, car son activité,
qui gêne l'une de nos sociétés commerciales les mieux installées,
ne présente pas d'intérêt pour une "productivité agricole
accrue". Cette décision nous sidère, autant qu'elle nous
indigne.
Plus que jamais, Kokopelli a
besoin du soutien moral de la population. Car il n'est pas admissible
que les variétés anciennes, héritage de nos grands-parents, soient
interdites de cité !
Nous en appelons également à
notre gouvernement. La gauche, sous les précédents gouvernements de
droite, nous a dit pouvoir compter sur son soutien à de nombreuses
reprises. Il est temps maintenant qu'elle transforme ses promesses en
actes (en commençant par retirer son mandat à Mme CLEMENT-NISSOU) !
Kokopelli, le 13 juillet 2012.
[1] La directive 2009/145
prévoit que les critères de distinction et de stabilité sont
laissés à la discrétion des Etats membres et que, par contre,«pour
l'évaluation de l'homogénéité, la directive 2003/91/CE
s'applique» : art. 4 §2
[2]
Le GNIS représente les semenciers professionnels en France et dit
officiellement «défendre les intérêts de la filière
semence» V. son site
Internet
Ce que nous voulons, sur le
plan législatif et réglementaire :
Le Catalogue officiel actuel
est le pré-carré exclusif des variétés protégées par des droits
de propriété intellectuelle, hybride F1 non reproductibles. Qu'il
le reste.
Nous voulons que les semences
anciennes et nouvelles appartenant au domaine public et librement
reproductibles sortent du champ d'application de la législation sur
le commerce des semences.
Il n'existe pas de catalogue
officiel obligatoire pour les clous et les boulons. Il n'y a pas de
raison de soumettre les semences à une procédure préalable de mise
sur le marché, comme les pesticides ou les médicaments, pour les
cataloguer dans un registre.
Des objectifs de qualité et de
loyauté dans les échanges commerciaux peuvent être aisément
atteints par un règlement de base fixant des critères minimums en
termes de qualité sanitaire, faculté germinative, pureté variétale
et pureté spécifique.
Que demande la société
Graines Baumaux ?
Notre adversaire devant la Cour
d'Appel de Nancy demande la condamnation de Kokopelli à lui payer
100.000 €uros de dommages-intérêts, ainsi que la cessation de
toutes les activités de l'association. Pour information, au 30 juin
2011 la société Baumaux avait un chiffre d'affaire annuel de 14
millions d'€uros et un résultat net de 2 millions d'€uros.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire